Les risques de dérives liés aux contraintes de fonctionnement

 

Rations de survie et bombes envoyées en Afghanistan pendant l'opération "Liberté Immuable" en 2002.

 

1. L'humanitaire est-il indépendant du politique ?

2. La dimension morale de l'humanitaire et la professionnalisation

3. Les scandales financiers

 

 

 

 

1. L'humanitaire est-il indépendant du politique ?

" Ce qui fait la force de l'humanitaire est aussi ce qui en fixe la limite : le refus du sacrifice. La préservation de la vie humaine est son unique horizon, sa seule légitimité. Cela implique parfois d'entrer en tension, voire en conflit, avec le pouvoir politique, comme cela a été le cas avec les Talibans ainsi qu'avec les Moudjahidin, pour ne parler que de l'Afghanistan."

L'action humanitaire est intrinsèquement politique par sa nature même puisque qu'elle est la prise en charge des conséquences humaines de toutes les formes de violences, sociales et politiques. Par-là même l'humanitaire est toujours confronté au politique.

a) L'instrumentalisation politique de l'humanitaire

L'humanitaire peut être instrumentalisé au niveau diplomatique, militaire, idéologique ou économique par les Etats bailleurs, les armées, les Etats bénéficiaires ou des groupes organisés (rebelles, mafias...).

La courte histoire de l'humanitaire - du détournement de l'aide à l'Ukraine par les autorités soviétiques en 1921 à l'utilisation des camps de réfugiés du Kosovo comme base arrière par l'armée alliée en 1999 - montre combien toute action porte le risque de l'instrumentalisation. Les associations humanitaires connaissent ce risque et acceptent de le prendre, considérant le plus souvent qu'il vaut bien les vies sauvées par l'intervention. L'opinion publique est beaucoup moins informée de ce choix cornélien entre sauver la victime et accepter un léger compromis politique ou rester ferme sur son indépendance et prendre le risque de ne pouvoir atteindre la victime.

On peut distinguer quatre formes d'instrumentalisation des associations humanitaires par le politique :

- L'intervention humanitaire comme facteur de reproduction des guerres civiles.

En voulant soulager les victimes de conflits internes (guerres civiles), les associations humanitaires peuvent contribuer à nourrir la guerre et à la faire durer. C'est ainsi que les humanitaires ont nourri et soutenu les Khmers Rouges (Cambodge) qui disposaient de bases dans les camps de réfugiés à la frontière avec la Thaïlande, réfugiés qui étaient en fait leurs prisonniers. Il est également avéré que les camps de réfugiés afghans du Pakistan étaient les bases arrières des moudjahidins qui combattaient l'occupation soviétique. L'aide humanitaire en terrain de guerre civile est également assez souvent détournée par les chefs de guerre ou même les armées gouvernementales (Soudan...). Si la relation entre l'aide humanitaire et la reproduction des forces de destruction à l'œuvre dans les guerres civiles est souvent prouvée, il est difficile d'imaginer abandonner des victimes sous prétexte de tarir l'économie de guerre.

- Des interventions militaires au discours humanitaire

Les interventions militaires utilisant des prétextes humanitaires sont de plus en plus courantes (Somalie, Rwanda, Kosovo...). La confusion entre humanitaire d'Etat et humanitaire privé est d'autant plus grande que les Etats sont les principaux bailleurs de la plupart des associations humanitaires. Ces dernières peuvent alors avoir des difficultés à trouver leur place dans ce type de situation dans la mesure ou elles se fondent sur un principe d'impartialité. Certaines d'entre elles choisissent clairement la collaboration avec les armées et les gouvernements. CARE Canada, intervenant au Kosovo, a signé un accord d'espionnage avec le gouvernement canadien. Beaucoup d'ONG américaines sont ainsi clairement un outil de la politique étrangère des Etats Unis. Cette confusion entrave souvent le travail des ONG qui ne peuvent accéder à tous les sites, étant assimilées à un camp plutôt qu'un autre. Cette assimilation peut d'ailleurs mettre en danger les expatriés susceptibles de devenir des boucs émissaires.

Ci-contre, les rations de survie et les bombes envoyées par les forces américaines durant l'intervention " Liberté immuable " en Afghanistan. Cette similitude d'emballage est assez représentative de la confusion qui a eu lieu, durant cette intervention, entre guerre et humanitaire.

- L'instrumentalisation diplomatique des associations humanitaires

Les Etats considèrent souvent les ONG nationales comme des instruments de politique étrangère, comme des représentants du pays à l'étranger, et ceci d'autant plus que certaines sont largement financées par les Ministères. Des fonds peuvent ainsi être distribués aux ONG pour qu'elles interviennent dans les pays avec lesquels il serait politiquement inopportun d'avoir des relations diplomatiques directes. Ainsi, l'Union Européenne propose-t-elle des financements aux associations afin qu'elles interviennent à Cuba, toute relation diplomatique étant difficile de par l'embargo diplomatico-économique imposé par les Etats Unis. Pour l'Union Européenne, c'est une façon indirecte d'être présent et actif à Cuba. Les fonds publics accordés par les Etats correspondent toujours à des choix politique. Certains pays bénéficieront ou non de ces fonds selon la volonté diplomatique.

- L'intervention humanitaire et la légitimation du pouvoir.

Par leur action, il peut arriver que des ONG soient intrumentalisées pour légitimer le pouvoir d'un dictateur, d'un chef de guerre, d'un dirigeant populiste. La famine du Biafra en 1969 fut ainsi utilisée et même entretenue par le chef de la rébellion pour attirer la sympathie sur sa cause. L'aide humanitaire apportée en 1985 en Ethiopie fut également utilisée par le gouvernement pour déplacer des villages entiers dans le cadre d'une politique d'homogénéisation démographique. Pendant la guerre afghane contre l'occupation soviétique (1979-1989), l'aura et le pouvoir des chefs de guerre locaux (les commandants) pouvait dépendre de leur capacité à attirer l'aide humanitaire dans leur village, leur vallée . Parce que les humanitaires semblent cautionner ces pouvoirs par leur présence, les victimes de ces mêmes pouvoirs peuvent parfois être encore plus vulnérables, plus résignées.

b) Du refus du politique au retour vers le politique

L'humanitaire a d'abord voulu éviter la confrontation avec le politique en fondant son action sur les principes de neutralité et d'impartialité (Croix Rouge). Mais le mouvement des " sans frontières " se créé dans les années 1970 en rupture avec le principe de neutralité traditionnelle ne retenant que l'impartialité, se souvenant du silence de la Croix Rouge sur les camps de la mort pendant la seconde guerre mondiale.

En 1985, MSF demande au gouvernement éthiopien de se justifier sur les déplacements de populations forcées. L'association est expulsée pour cette insolence. Les autres associations décident de rester pour sauver des vies. Le dilemme est à chaque fois le même, dans le cas d'intervention d'urgence : quand de la présence de l'association sur place peut dépendre la vie de centaines d'individu, est-il possible de prendre le risque de se faire expulser et de laisser ainsi derrières des victimes non sauvées ? Mais, d'un autre côté, est-il possible de rester quand indirectement l'association participe à la politique meurtrière ou totalitaire d'un gouvernement ? Répondant à ce dilemme des associations humanitaires défendent l'idée du témoignage, de la prise de parole (MSF), en utilisant l'opinion publique pour faire réagir les politiques.

Dans le même temps, des ONG d'interpellation se créent, défendant les droits de l'homme ou l'environnement telles Amnesty International ou Greenpeace. Elles font clairement le choix de l'intervention dans le champ du politique par le biais du lobbying et de campagnes de sensibilisation.

On assiste également à un retour des associations dans le champ du politique afin de se démarquer des politiques ou de les influer. D'où la présence de plus en plus importantes des ONG humanitaires dans les sommets mondiaux (Porto Alegre, Johannesburg...) et l'essor de "l'éducation au développement" et des campagnes de sensibilisation clairement politiques. Victimes de la confusion entre humanitaire privé et humanitaire public lors des interventions armées, les associations humanitaires d'urgence, telles MSF et MDM, ont de plus en plus besoin de se démarquer des politiques gouvernementales et ont ainsi recours à des campagnes de sensibilisation politique (sur les conflits comme la Tchéchénie, le développement durables, la misère...).

Le lobbying et les campagnes de sensibilisation de l'opinion servent aussi de moyens de pression pour les associations afin d'amener les institutions vers plus d'impartialité dans la distribution des financements humanitaires. Françoise Bouchet-Saulnier, Directrice de recherches à MSF, fit obtempérer l'agence d'aide humanitaire européenne, ECHO, en usant de la menace : "Si vous enlevez un seul dollar sur la ligne de financement en Ingouchie (où sont réfugiés de nombreux Tchéchènes), on fera un scandale" .

c) Les politiques financières : équilibre ou indépendance totale

La capacité des associations humanitaires à faire des choix indépendants des contraintes politiques (intervenir ou non, se retirer d'une zone, être libre de s'exprimer...) dépend souvent de leur indépendance et de leur santé financière vis à vis des bailleurs institutionnels (Etats, organisation internationales...), mais aussi parfois vis à vis des donateurs privés. En fonction de ce constat, les associations font des choix de politique financière. MSF est l'une des seules ONG d'urgence qui ait fait le choix du 100% de financements privés afin d'être totalement indépendante du pouvoir politique . D'autres recherchent l'équilibre, arguant de leur volonté de ne pas dépendre exclusivement de fonds privés afin de ne pas sombrer dans le tout spectaculaire et la recherche de fonds frénétique. Certaines associations, telles Amnesty ou Greenpeace, se doivent d'être complètement indépendante du politique et donc des financements publics de par leur vocation et leur mission d'interpellation.

2. La dimension morale de l'humanitaire et la professionnalisation

a) Les devoirs des humanitaires

L'engagement humanitaire a d'abord été un engagement de conviction. Inspiré de la charité chrétienne multi-séculaire et des mouvements progressistes du XXème siècle, il mobilisa d'abord, en plus des âmes religieuses, d'anciens militants désenchantés de la politique et voulant agir concrètement. Le geste humanitaire est d'abord fait par des bénévoles de façon désintéressée. Il doit faire le bien. Il se nourrit de la générosité du public qui donne sa confiance et son argent par compassion, charité, conviction. Pour tout cela l'humanitaire à une dimension morale lourde de devoirs.

Dans l'imaginaire collectif, le bénévole humanitaire est le bon samaritain moderne: il doit non seulement sauver les victimes mais aussi compatir, comprendre, s'intéresser à ceux qu'il aide, les respecter. Il lui est même demandé, indirectement, de partager le sort des bénéficiaires, tel un franciscain ayant fait vœux de pauvreté. Sur la base de cette image et des valeurs qui y sont associées, les associations collectent de l'argent auprès de personnes privées qui, parce que c'est un geste plus libre que l'impôt, ont de fortes exigences quant au respect de ces valeurs.

Dans ces conditions, les questions touchant à la professionnalisation des humanitaires, à leur rémunération, à leurs comportements vis à vis des victimes, aux "stratégies opportunistes" des associations ou aux arrangements avec le politique, sont des questions extrêmement sensibles parce qu'elles ébranlent cette image et minent la confiance.

L'écho donné aux propos de l'ancienne présidente d'ACF, Sylvie Brunel, en mars 2002 , dénonçant pêle-mêle les coûts de fonctionnement trop élevés, les salaires abusifs et la logique de rentabilité est révélateur des hautes exigences demandées à l'ensemble du secteur humanitaire. Cependant, les salaires au siège, par exemple, dépassent rarement 3000 € et la majorité des travailleurs de l'humanitaire, même s'ils se sont professionnalisés, touchent de 1000 à 1500 € . Les salaires pour un travail similaire dans le secteur marchand sont de 20 à 30 % supérieurs. Ce débat touche peu, ou pas du tout, les ONG anglo-saxonnes qui rémunèrent "grassement" - comparé aux ONG françaises - leur personnel, la question de l'efficacité primant sur celle de la moralité. Cette différence entre mondes de l'humanitaire anglo-saxon et français se retrouve aussi dans l'utilisation de pratiques marchandes à des fins de collecte de dons.

b) L'humanitaire et la tentation de pratique marchande

La professionnalisation des personnels de l'humanitaire, la concurrence entre les associations et la masse d'argent brassée tendent à rapprocher le monde associatif humanitaire du secteur marchand. Beaucoup d'associations ont adopté une logique de développement sinon de survie qui vise soit à augmenter leurs capacités financières et leur volume d'activité soit à les préserver. Les interventions dépendraient de plus en plus d'une logique structurelle plutôt que d'une logique de besoins et le coût de plus en plus important des frais de fonctionnement (locaux, communication, personnels qualifiés...) n'autoriserait pas de baisse d'activité. Toute réduction des revenus pourrait mettre en péril l'équilibre financier des associations et provoquer une crise.

Ces impératifs de développement peuvent amener les associations à se focaliser sur la recherche de fonds publics et privés. Les décisions peuvent alors prendre en compte le potentiel rémunérateur d'une intervention, dans le cas d'associations fortement dépendantes des bailleurs de fonds institutionnels ou dans le cas d'associations " roulant pour elle-mêmes ". Ainsi, chez Action Contre la Faim, des documents internes classifient les missions en rubriques. Certaines sont qualifiées de " vaches à lait ", d'autres de " poids morts " ou encore de " missions stars ", classification reprise du jargon marketing pour évaluer la rentabilité de l'ensemble des produits d'une firme. A cela, Christian Captier, Directeur des opérations d'ACF, répond que les éléments financiers entrent en ligne de compte mais seulement après l'étude des besoins du terrain et après que la légitimité de l'association à intervenir ait été prise en compte.

Dans la recherche du maximum d'efficacité (optimisation des ressources) les associations ont de plus en plus recours à des pratiques importées du secteur marchand (dans leur management, leur gestion financière, la gestion de leur image...). La concurrence et la volonté de développement ont laissé s'établir des stratégies réfléchissant en terme de part de marché, de zone d'influence, de client. Ainsi, le dirigeant d'une grosse ONG confie, en parlant du " client " d'une association, que " l'important, une fois localisé, c'est de ne plus le lâcher ".

Ces pratiques marchandes peuvent se doubler de liens ambigus avec les entreprises privées. Les associations travaillant au Congo-Brazzaville, pays riche en pétrole, sont souvent liées financièrement à Total Fina Elf, participant indirectement au pouvoir tentaculaire du pétrolier français dans ce pays . Les opérations de communication établies avec des partenaires privés (produits-partage, promotion gratuite de l'association) peuvent aussi nous interpeller : qui y gagne le plus ? Qui instrumentalise l'autre ? N'y a-t-il pas de risque d'amalgame entre les intérêts marchands de l'un et les intérêts humanitaires de l'autre?

3. Les scandales financiers

"L'industrie du don" s'est particulièrement développée dans les années 1980. Des sommes d'argent considérables sont récoltés chaque année. Entre 1985 et 1998, les ressources drainées par les ONG sont passées de 198 Millions d'Euros à près de 534 Millions. En 1999, les ressources collectées étaient estimées à 665 Millions d'Euros, dont 407 Millions de dons privés . Inévitablement, il y a eu quelques détournements personnels, gaspillages et usages détournés.

a) Le détournement d'argent au profit d'individus

En 1985, l'affaire Crozemarie bouleversait le secteur associatif bénéficiant de la générosité du public : la France apprenait que l'homme à la blouse blanche (qui n'avait jamais été médecin) venait de se faire épingler pour détournement d'argent. Celui-ci confiait ses campagnes de communication à la firme International Development, qui surfacturait ses services et reversait aussitôt des salaires indus à la société du patron de l'ARC.

En 1996, le rapport de la Cour des comptes indiquait que seuls 26% des dons pour la recherche parvenaient effectivement aux scientifiques, ce qui représente au moins 300 millions de francs détournés. Avec cet argent, Monsieur Crozemarie a pu financer sa piscine privée, son matériel vidéo sophistiqué, la climatisation de l'une de ses villas, sans oublier l'aménagement de son appartement à Villejuif, ses voitures de fonction, ses voyages en avion, ainsi que les salaires de ses domestiques et de ses maîtresses…

Du côté des donateurs, et du secteur associatif, le scandale a fait place à l'indignation et les donateurs ont vu leur confiance trahie. Pour cette raison, le secteur associatif faisant appel à la générosité du public qualifie le scandale de fait structurant dans l'établissement d'une nouvelle relation entre associations et donateurs (cf. étude de Weil Opinion sur la confiance).

b) Les détournements d'argent au profit de l'association

Les difficultés que rencontrent nombres d'associations pour financer leur frais de fonctionnement peut entraîner des dérives ou " arrangements " comptables. Il peut en effet arriver que certaines associations, déclarant utiliser 80% des dons pour le terrain, " maquillent leurs comptes " pour faire correspondre la réalité avec le discours. Par exemple, le salaire des coordinateurs de mission qui travaillent au siège peut être réparti sur le différentes missions auxquelles ils sont affectés ou sur les frais de structure.

Ainsi, Handicap International fait figurer, sur son site Internet, sur une page accessible en cliquant sur l'onglet " Dépenser pour agir ", fait figurer la répartition suivante pour un don de 100F : 71,21F en réalisation de programmes, 12,96F en appel et gestion des dons, 7,90F en gestion de l'association, 4,38F en animation et vente des produits, 2,24F en information des médias et de l'opinion, 1,30F en soutiens et provisions. Nous remarquons alors que la sacro-sainte règle des 20% des fonds affectés au fonctionnement et 80% à la réalisation des actions n'est pas respectée. Cependant, compte tenu des actions menées par l'association et de la qualité de services que celle-ci fournit, elle peut se permettre d'afficher certaines dépenses, notamment en terme de représentation publique.

Il peut aussi y avoir des usages détournées "moins moraux" parce que beaucoup plus orientés. On peut citer, à titre d'exemple, l'affaire Raoul Follereau, révélée par l'IGAS (Ministère des Affaires Sociales) en 2001 et rapidement relayée par les médias. D'après ce rapport, l'association offrait des aides financières sans lien avec la lèpre à des églises en Afrique, subventionnait des cardinaux conservateurs au Vatican et réalisait des investissements dans des plantations de palmiers en Côte d'Ivoire. D'après Rony Brauman, il semblerait que dans le milieu humanitaire, ces pratiques aient été connues depuis des années .

c) Les détournements d'argent "pour la bonne cause"

Sans que l'argent de la générosité du public soit utilisé aux fins personnelles de quelques-uns, il arrive parfois qu'il soit détourné de son usage premier pour des raisons plus ou moins morales. Ces dérives s'expriment le plus souvent par des maquillages comptables. Des associations peuvent ainsi, selon les périodes, transférer "pour la bonne cause" une partie de l'argent récolté pour des crises médiatiques vers des crises oubliées.

Une partie de l'argent donné pour le Burundi pourra ainsi passer en Afghanistan, ou l'inverse, en fonction du baromètre médiatique. "Nous savons que nous n'avons pas le droit, mais nous n'avons pas le choix..." a lancé un dirigeant d'une grosse association humanitaire, basée à Paris, aux envoyés de la Cour des Comptes venus inspecter ses livres comptables. Cette pratique tend à combler les lacunes et les dérives de la médiatisation et de la politique dans le souci de traiter équitablement les victimes.

Afin de régulariser cette pratique, Handicap International informe ses donateurs que leur argent sera destiné en priorité à l'action pour laquelle ils ont donné, mais que dès que le budget nécessaire à la réalisation de cette action serait atteint, le reste serait réorienté vers des actions plus défavorisées en terme de dons. Ainsi les dons pour l'Inde, toujours surnuméraires, sont en grande partie réorientés vers le Mozambique ou autres pays moins "vendeurs".

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Certains modes de fonctionnement présentés dans cette partie peuvent, pour certains, être considérés comme des dérives auxquelles les associations doivent remédier, ce à quoi, d'après nos sources, celles-ci travaillent, soit en interne, soit par le biais de groupes de recherche.

Dans cette partie, nous avons identifié certaines dérives ou risques de dérives relatifs au bon fonctionnement des associations. Généralement ces dérives restent méconnues du grand public, mais lorsque celles-ci peuvent faire scandale, elles sont rapidement relayées par les médias.

Finalement, ces dérives - détournement d'argent au profit d'individus mis à part - sont en fait des contraintes de fonctionnement justifiables vis à vis des donateurs. Dans ce cadre, nous comprenons donc l'importance d'ouvrir des espaces de dialogue entre donateurs et associations. L'information de ceux-ci sur ces sujets doit être pensée au regard des profils et comportements des donateurs identifiés au chapitre 1.

 

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