1.
L'humanitaire est-il indépendant du politique ?
"
Ce qui fait la force de l'humanitaire est aussi ce qui en fixe
la limite : le refus du sacrifice. La préservation de la vie
humaine est son unique horizon, sa seule légitimité. Cela implique
parfois d'entrer en tension, voire en conflit, avec le pouvoir
politique, comme cela a été le cas avec les Talibans ainsi qu'avec
les Moudjahidin, pour ne parler que de l'Afghanistan."
L'action
humanitaire est intrinsèquement politique par sa nature même
puisque qu'elle est la prise en charge des conséquences humaines
de toutes les formes de violences, sociales et politiques. Par-là
même l'humanitaire est toujours confronté au politique.
a)
L'instrumentalisation politique de l'humanitaire
L'humanitaire
peut être instrumentalisé au niveau diplomatique, militaire,
idéologique ou économique par les Etats bailleurs, les armées,
les Etats bénéficiaires ou des groupes organisés (rebelles,
mafias...).
La
courte histoire de l'humanitaire - du détournement de l'aide
à l'Ukraine par les autorités soviétiques en 1921 à l'utilisation
des camps de réfugiés du Kosovo comme base arrière par l'armée
alliée en 1999 - montre combien toute action porte le risque
de l'instrumentalisation. Les associations humanitaires connaissent
ce risque et acceptent de le prendre, considérant le plus souvent
qu'il vaut bien les vies sauvées par l'intervention. L'opinion
publique est beaucoup moins informée de ce choix cornélien entre
sauver la victime et accepter un léger compromis politique ou
rester ferme sur son indépendance et prendre le risque de ne
pouvoir atteindre la victime.

On
peut distinguer quatre formes d'instrumentalisation des associations
humanitaires par le politique :
-
L'intervention humanitaire comme facteur de reproduction des
guerres civiles.
En
voulant soulager les victimes de conflits internes (guerres
civiles), les associations humanitaires peuvent contribuer à
nourrir la guerre et à la faire durer. C'est ainsi que les humanitaires
ont nourri et soutenu les Khmers Rouges (Cambodge) qui disposaient
de bases dans les camps de réfugiés à la frontière avec la Thaïlande,
réfugiés qui étaient en fait leurs prisonniers. Il est également
avéré que les camps de réfugiés afghans du Pakistan étaient
les bases arrières des moudjahidins qui combattaient l'occupation
soviétique. L'aide humanitaire en terrain de guerre civile est
également assez souvent détournée par les chefs de guerre ou
même les armées gouvernementales (Soudan...). Si la relation
entre l'aide humanitaire et la reproduction des forces de destruction
à l'œuvre dans les guerres civiles est souvent prouvée, il est
difficile d'imaginer abandonner des victimes sous prétexte de
tarir l'économie de guerre.
-
Des interventions militaires au discours humanitaire
Les
interventions militaires utilisant des prétextes humanitaires
sont de plus en plus courantes (Somalie, Rwanda, Kosovo...).
La confusion entre humanitaire d'Etat et humanitaire privé est
d'autant plus grande que les Etats sont les principaux bailleurs
de la plupart des associations humanitaires. Ces dernières peuvent
alors avoir des difficultés à trouver leur place dans ce type
de situation dans la mesure ou elles se fondent sur un principe
d'impartialité. Certaines d'entre elles choisissent clairement
la collaboration avec les armées et les gouvernements. CARE
Canada, intervenant au Kosovo, a signé un accord d'espionnage
avec le gouvernement canadien. Beaucoup d'ONG américaines sont
ainsi clairement un outil de la politique étrangère des Etats
Unis. Cette confusion entrave souvent le travail des ONG qui
ne peuvent accéder à tous les sites, étant assimilées à un camp
plutôt qu'un autre. Cette assimilation peut d'ailleurs mettre
en danger les expatriés susceptibles de devenir des boucs émissaires.
|
Ci-contre,
les rations de survie et les bombes envoyées par les forces
américaines durant l'intervention " Liberté immuable " en
Afghanistan. Cette similitude d'emballage est assez représentative
de la confusion qui a eu lieu, durant cette intervention,
entre guerre et humanitaire. |

-
L'instrumentalisation diplomatique des associations humanitaires
Les
Etats considèrent souvent les ONG nationales comme des instruments
de politique étrangère, comme des représentants du pays à l'étranger,
et ceci d'autant plus que certaines sont largement financées
par les Ministères. Des fonds peuvent ainsi être distribués
aux ONG pour qu'elles interviennent dans les pays avec lesquels
il serait politiquement inopportun d'avoir des relations diplomatiques
directes. Ainsi, l'Union Européenne propose-t-elle des financements
aux associations afin qu'elles interviennent à Cuba, toute relation
diplomatique étant difficile de par l'embargo diplomatico-économique
imposé par les Etats Unis. Pour l'Union Européenne, c'est une
façon indirecte d'être présent et actif à Cuba. Les fonds publics
accordés par les Etats correspondent toujours à des choix politique.
Certains pays bénéficieront ou non de ces fonds selon la volonté
diplomatique.
-
L'intervention humanitaire et la légitimation du pouvoir.
Par
leur action, il peut arriver que des ONG soient intrumentalisées
pour légitimer le pouvoir d'un dictateur, d'un chef de guerre,
d'un dirigeant populiste. La famine du Biafra en 1969 fut ainsi
utilisée et même entretenue par le chef de la rébellion pour
attirer la sympathie sur sa cause. L'aide humanitaire apportée
en 1985 en Ethiopie fut également utilisée par le gouvernement
pour déplacer des villages entiers dans le cadre d'une politique
d'homogénéisation démographique. Pendant la guerre afghane contre
l'occupation soviétique (1979-1989), l'aura et le pouvoir des
chefs de guerre locaux (les commandants) pouvait dépendre de
leur capacité à attirer l'aide humanitaire dans leur village,
leur vallée . Parce que les humanitaires semblent cautionner
ces pouvoirs par leur présence, les victimes de ces mêmes pouvoirs
peuvent parfois être encore plus vulnérables, plus résignées.

b)
Du refus du politique au retour vers le politique
L'humanitaire
a d'abord voulu éviter la confrontation avec le politique en
fondant son action sur les principes de neutralité et d'impartialité
(Croix Rouge). Mais le mouvement des " sans frontières " se
créé dans les années 1970 en rupture avec le principe de neutralité
traditionnelle ne retenant que l'impartialité, se souvenant
du silence de la Croix Rouge sur les camps de la mort pendant
la seconde guerre mondiale.
En
1985, MSF demande au gouvernement éthiopien de se justifier
sur les déplacements de populations forcées. L'association est
expulsée pour cette insolence. Les autres associations décident
de rester pour sauver des vies. Le dilemme est à chaque fois
le même, dans le cas d'intervention d'urgence : quand de la
présence de l'association sur place peut dépendre la vie de
centaines d'individu, est-il possible de prendre le risque de
se faire expulser et de laisser ainsi derrières des victimes
non sauvées ? Mais, d'un autre côté, est-il possible de rester
quand indirectement l'association participe à la politique meurtrière
ou totalitaire d'un gouvernement ? Répondant à ce dilemme des
associations humanitaires défendent l'idée du témoignage, de
la prise de parole (MSF), en utilisant l'opinion publique pour
faire réagir les politiques.
Dans
le même temps, des ONG d'interpellation se créent, défendant
les droits de l'homme ou l'environnement telles Amnesty International
ou Greenpeace. Elles font clairement le choix de l'intervention
dans le champ du politique par le biais du lobbying et de campagnes
de sensibilisation.
On
assiste également à un retour des associations dans le champ
du politique afin de se démarquer des politiques ou de les influer.
D'où
la présence de plus en plus importantes des ONG humanitaires
dans les sommets mondiaux (Porto Alegre, Johannesburg...) et
l'essor de "l'éducation au développement" et des campagnes de
sensibilisation clairement politiques. Victimes de la confusion
entre humanitaire privé et humanitaire public lors des interventions
armées, les associations humanitaires d'urgence, telles MSF
et MDM, ont de plus en plus besoin de se démarquer des politiques
gouvernementales et ont ainsi recours à des campagnes de sensibilisation
politique (sur les conflits comme la Tchéchénie, le développement
durables, la misère...).
Le
lobbying et les campagnes de sensibilisation de l'opinion servent
aussi de moyens de pression pour les associations afin d'amener
les institutions vers plus d'impartialité dans la distribution
des financements humanitaires. Françoise Bouchet-Saulnier, Directrice
de recherches à MSF, fit obtempérer l'agence d'aide humanitaire
européenne, ECHO, en usant de la menace : "Si vous enlevez un
seul dollar sur la ligne de financement en Ingouchie (où sont
réfugiés de nombreux Tchéchènes), on fera un scandale" .
c)
Les politiques financières : équilibre ou indépendance totale
La
capacité des associations humanitaires à faire des choix indépendants
des contraintes politiques (intervenir ou non, se retirer d'une
zone, être libre de s'exprimer...) dépend souvent de leur indépendance
et de leur santé financière vis à vis des bailleurs institutionnels
(Etats, organisation internationales...), mais aussi parfois
vis à vis des donateurs privés. En fonction de ce constat, les
associations font des choix de politique financière. MSF est
l'une des seules ONG d'urgence qui ait fait le choix du 100%
de financements privés afin d'être totalement indépendante du
pouvoir politique . D'autres recherchent l'équilibre, arguant
de leur volonté de ne pas dépendre exclusivement de fonds privés
afin de ne pas sombrer dans le tout spectaculaire et la recherche
de fonds frénétique. Certaines associations, telles Amnesty
ou Greenpeace, se doivent d'être complètement indépendante du
politique et donc des financements publics de par leur vocation
et leur mission d'interpellation.

2.
La dimension morale de l'humanitaire et la professionnalisation
a)
Les devoirs des humanitaires
L'engagement
humanitaire a d'abord été un engagement de conviction. Inspiré
de la charité chrétienne multi-séculaire et des mouvements progressistes
du XXème siècle, il mobilisa d'abord, en plus des âmes religieuses,
d'anciens militants désenchantés de la politique et voulant
agir concrètement. Le geste humanitaire est d'abord fait par
des bénévoles de façon désintéressée. Il doit faire le bien.
Il se nourrit de la générosité du public qui donne sa confiance
et son argent par compassion, charité, conviction. Pour tout
cela l'humanitaire à une dimension morale lourde de devoirs.
Dans
l'imaginaire collectif, le bénévole humanitaire est le bon samaritain
moderne: il doit non seulement sauver les victimes mais aussi
compatir, comprendre, s'intéresser à ceux qu'il aide, les respecter.
Il lui est même demandé, indirectement, de partager le sort
des bénéficiaires, tel un franciscain ayant fait vœux de pauvreté.
Sur la base de cette image et des valeurs qui y sont associées,
les associations collectent de l'argent auprès de personnes
privées qui, parce que c'est un geste plus libre que l'impôt,
ont de fortes exigences quant au respect de ces valeurs.
Dans
ces conditions, les questions touchant à la professionnalisation
des humanitaires, à leur rémunération, à leurs comportements
vis à vis des victimes, aux "stratégies opportunistes" des associations
ou aux arrangements avec le politique, sont des questions extrêmement
sensibles parce qu'elles ébranlent cette image et minent la
confiance.
L'écho
donné aux propos de l'ancienne présidente d'ACF, Sylvie Brunel,
en mars 2002 , dénonçant pêle-mêle les coûts de fonctionnement
trop élevés, les salaires abusifs et la logique de rentabilité
est révélateur des hautes exigences demandées à l'ensemble du
secteur humanitaire. Cependant, les salaires au siège, par exemple,
dépassent rarement 3000 € et la majorité des travailleurs de
l'humanitaire, même s'ils se sont professionnalisés, touchent
de 1000 à 1500 € . Les salaires pour un travail similaire dans
le secteur marchand sont de 20 à 30 % supérieurs. Ce débat touche
peu, ou pas du tout, les ONG anglo-saxonnes qui rémunèrent "grassement"
- comparé aux ONG françaises - leur personnel, la question de
l'efficacité primant sur celle de la moralité. Cette différence
entre mondes de l'humanitaire anglo-saxon et français se retrouve
aussi dans l'utilisation de pratiques marchandes à des fins
de collecte de dons.

b)
L'humanitaire et la tentation de pratique marchande
La
professionnalisation des personnels de l'humanitaire, la concurrence
entre les associations et la masse d'argent brassée tendent
à rapprocher le monde associatif humanitaire du secteur marchand.
Beaucoup d'associations ont adopté une logique de développement
sinon de survie qui vise soit à augmenter leurs capacités financières
et leur volume d'activité soit à les préserver. Les interventions
dépendraient de plus en plus d'une logique structurelle plutôt
que d'une logique de besoins et le coût de plus en plus important
des frais de fonctionnement (locaux, communication, personnels
qualifiés...) n'autoriserait pas de baisse d'activité. Toute
réduction des revenus pourrait mettre en péril l'équilibre financier
des associations et provoquer une crise.
Ces
impératifs de développement peuvent amener les associations
à se focaliser sur la recherche de fonds publics et privés.
Les décisions peuvent alors prendre en compte le potentiel rémunérateur
d'une intervention, dans le cas d'associations fortement dépendantes
des bailleurs de fonds institutionnels ou dans le cas d'associations
" roulant pour elle-mêmes ". Ainsi, chez Action Contre la Faim,
des documents internes classifient les missions en rubriques.
Certaines sont qualifiées de " vaches à lait ", d'autres de
" poids morts " ou encore de " missions stars ", classification
reprise du jargon marketing pour évaluer la rentabilité de l'ensemble
des produits d'une firme. A cela, Christian Captier, Directeur
des opérations d'ACF, répond que les éléments financiers entrent
en ligne de compte mais seulement après l'étude des besoins
du terrain et après que la légitimité de l'association à intervenir
ait été prise en compte.
Dans la recherche du maximum d'efficacité (optimisation des
ressources) les associations ont de plus en plus recours à des
pratiques importées du secteur marchand (dans leur management,
leur gestion financière, la gestion de leur image...). La concurrence
et la volonté de développement ont laissé s'établir des stratégies
réfléchissant en terme de part de marché, de zone d'influence,
de client. Ainsi, le dirigeant d'une grosse ONG confie, en parlant
du " client " d'une association, que " l'important, une fois
localisé, c'est de ne plus le lâcher ".
Ces
pratiques marchandes peuvent se doubler de liens ambigus avec
les entreprises privées. Les associations travaillant au Congo-Brazzaville,
pays riche en pétrole, sont souvent liées financièrement à Total
Fina Elf, participant indirectement au pouvoir tentaculaire
du pétrolier français dans ce pays . Les opérations de communication
établies avec des partenaires privés (produits-partage, promotion
gratuite de l'association) peuvent aussi nous interpeller :
qui y gagne le plus ? Qui instrumentalise l'autre ? N'y a-t-il
pas de risque d'amalgame entre les intérêts marchands de l'un
et les intérêts humanitaires de l'autre?

3.
Les scandales financiers
"L'industrie
du don" s'est particulièrement développée dans les années 1980.
Des sommes d'argent considérables sont récoltés chaque année.
Entre 1985 et 1998, les ressources drainées par les ONG sont
passées de 198 Millions d'Euros à près de 534 Millions. En 1999,
les ressources collectées étaient estimées à 665 Millions d'Euros,
dont 407 Millions de dons privés . Inévitablement, il y a eu
quelques détournements personnels, gaspillages et usages détournés.
a)
Le détournement d'argent au profit d'individus
En
1985, l'affaire Crozemarie bouleversait le secteur associatif
bénéficiant de la générosité du public : la France apprenait
que l'homme à la blouse blanche (qui n'avait jamais été médecin)
venait de se faire épingler pour détournement d'argent. Celui-ci
confiait ses campagnes de communication à la firme International
Development, qui surfacturait ses services et reversait aussitôt
des salaires indus à la société du patron de l'ARC.
En
1996, le rapport de la Cour des comptes indiquait que seuls
26% des dons pour la recherche parvenaient effectivement aux
scientifiques, ce qui représente au moins 300 millions de francs
détournés. Avec cet argent, Monsieur Crozemarie a pu financer
sa piscine privée, son matériel vidéo sophistiqué, la climatisation
de l'une de ses villas, sans oublier l'aménagement de son appartement
à Villejuif, ses voitures de fonction, ses voyages en avion,
ainsi que les salaires de ses domestiques et de ses maîtresses…
Du
côté des donateurs, et du secteur associatif, le scandale a
fait place à l'indignation et les donateurs ont vu leur confiance
trahie. Pour cette raison, le secteur associatif faisant appel
à la générosité du public qualifie le scandale de fait structurant
dans l'établissement d'une nouvelle relation entre associations
et donateurs (cf. étude de Weil Opinion sur la confiance).

b)
Les détournements d'argent au profit de l'association
Les
difficultés que rencontrent nombres d'associations pour financer
leur frais de fonctionnement peut entraîner des dérives ou "
arrangements " comptables. Il peut en effet arriver que certaines
associations, déclarant utiliser 80% des dons pour le terrain,
" maquillent leurs comptes " pour faire correspondre la réalité
avec le discours. Par exemple, le salaire des coordinateurs
de mission qui travaillent au siège peut être réparti sur le
différentes missions auxquelles ils sont affectés ou sur les
frais de structure.
Ainsi,
Handicap International fait figurer, sur son site Internet,
sur une page accessible en cliquant sur l'onglet " Dépenser
pour agir ", fait figurer la répartition suivante pour un don
de 100F : 71,21F en réalisation de programmes, 12,96F en appel
et gestion des dons, 7,90F en gestion de l'association, 4,38F
en animation et vente des produits, 2,24F en information des
médias et de l'opinion, 1,30F en soutiens et provisions. Nous
remarquons alors que la sacro-sainte règle des 20% des fonds
affectés au fonctionnement et 80% à la réalisation des actions
n'est pas respectée. Cependant, compte tenu des actions menées
par l'association et de la qualité de services que celle-ci
fournit, elle peut se permettre d'afficher certaines dépenses,
notamment en terme de représentation publique.
Il
peut aussi y avoir des usages détournées "moins moraux" parce
que beaucoup plus orientés. On
peut citer, à titre d'exemple, l'affaire Raoul Follereau, révélée
par l'IGAS (Ministère des Affaires Sociales) en 2001 et rapidement
relayée par les médias. D'après ce rapport, l'association offrait
des aides financières sans lien avec la lèpre à des églises
en Afrique, subventionnait des cardinaux conservateurs au Vatican
et réalisait des investissements dans des plantations de palmiers
en Côte d'Ivoire. D'après Rony Brauman, il semblerait que dans
le milieu humanitaire, ces pratiques aient été connues depuis
des années .

c)
Les détournements d'argent "pour la bonne cause"
Sans
que l'argent de la générosité du public soit utilisé aux fins
personnelles de quelques-uns, il arrive parfois qu'il soit détourné
de son usage premier pour des raisons plus ou moins morales.
Ces dérives s'expriment le plus souvent par des maquillages
comptables. Des associations peuvent ainsi, selon les périodes,
transférer "pour la bonne cause" une partie de l'argent récolté
pour des crises médiatiques vers des crises oubliées.
Une
partie de l'argent donné pour le Burundi pourra ainsi passer
en Afghanistan, ou l'inverse, en fonction du baromètre médiatique.
"Nous savons que nous n'avons pas le droit, mais nous n'avons
pas le choix..." a lancé un dirigeant d'une grosse association
humanitaire, basée à Paris, aux envoyés de la Cour des Comptes
venus inspecter ses livres comptables. Cette pratique tend à
combler les lacunes et les dérives de la médiatisation et de
la politique dans le souci de traiter équitablement les victimes.
Afin
de régulariser cette pratique, Handicap International informe
ses donateurs que leur argent sera destiné en priorité à l'action
pour laquelle ils ont donné, mais que dès que le budget nécessaire
à la réalisation de cette action serait atteint, le reste serait
réorienté vers des actions plus défavorisées en terme de dons.
Ainsi les dons pour l'Inde, toujours surnuméraires, sont en
grande partie réorientés vers le Mozambique ou autres pays moins
"vendeurs".
-
Certains modes de fonctionnement présentés dans cette partie
peuvent, pour certains, être considérés comme des dérives auxquelles
les associations doivent remédier, ce à quoi, d'après nos sources,
celles-ci travaillent, soit en interne, soit par le biais de
groupes de recherche.
Dans
cette partie, nous avons identifié certaines dérives ou risques
de dérives relatifs au bon fonctionnement des associations.
Généralement ces dérives restent méconnues du grand public,
mais lorsque celles-ci peuvent faire scandale, elles sont rapidement
relayées par les médias.
Finalement,
ces dérives - détournement d'argent au profit d'individus mis
à part - sont en fait des contraintes de fonctionnement justifiables
vis à vis des donateurs. Dans ce cadre, nous comprenons donc
l'importance d'ouvrir des espaces de dialogue entre donateurs
et associations. L'information de ceux-ci sur ces sujets doit
être pensée au regard des profils et comportements des donateurs
identifiés au chapitre 1.