Comportement de ces " nouveaux " donateurs - " La consommation identitaire " La déconsommation : symptôme de rupture de la modernité. Bernard Cova. |
" Une des conséquences importante de l'individualisme est que l'individu postmoderne, devenu son propre Pygmalion, se trouve dans une incessante quête identitaire, une quête de sens à donner à sa vie. Il se construit et construit sa vie comme un ouvrage d'art ; ce qui conduit à une esthétisation du quotidien et à une esthétisation de la consommation (Featherstone, 1991). En l'absence de référents traditionnels ou modernes, conséquence de la décomposition des communautés traditionnelles et agrégations modernes, l'individu se retourne vers les objets et les services, c'est-à-dire le système de consommation, pour se forger une identité. Il a "soif de valeurs" (ou "soif d'idéal" comme le dit la chanson), et cette soif de valeurs parait être la conséquence d'un "manque de communauté". Le système de consommation devient ainsi central à l'existence de l'individu (Firat et Venkatesh, 1993), et les produits représentent de véritables hybrides sociaux, quasi-objets et quasi-sujets (Latour, 1991), qui viennent de plus en plus remplacer l'autre (humain) dans le processus de création identitaire. Dans le même temps, des pans entiers de la vie, hier abrités de la sphère marchande, deviennent aujourd'hui des produits et des services monnayables ; en conséquence, en payant, l'individu postmoderne peut se construire une identité à coups de symboles et référents culturels (pièces de théatre, expositions, films, livres...), de référents humanitaires (Médecins Sans Frontières, Bosnie, Somalie...), mais aussi de référents sportifs (la tenue complète du supporter de l'OM), et, en fait, de tous les référents possibles, puisque dans un univers postmoderne où règne l'éclectisme et la confusion des valeurs, "tout est bon" à prendre et à assembler selon son libre-choix. Le lien importe plus que le bien. En d'autres termes, l'individu postmoderne valorise autant les aspects sociaux de la vie ("le retour de l'amitié", "les nouvelles familles : les copains", "les potes d'abord", titre la presse grand public) que la consommation, l'utilisation ou la possession de biens et services. Sont valorisés essentiellement les biens et services qui, de par leur valeur de lien, permettent et facilitent l'interaction sociale. Ceci semble d'autant plus vrai pour les nouvelles générations qui n'ont pas connu "l'avant", c'est-à-dire la société d'avant l'individualisme et qui recherchent, parfois avec beaucoup de nostalgie, à redécouvrir le sentiment communautaire (cf. les grandes qualités d'aptitudes relationnelles dont les adolescents d'aujourd'hui parent leurs grands-parents et qu'ils recherchent chez eux, selon Chalvon-Demersay, 1994, p. 74). La conséquence pour la consommation peut être importante. Il y pourrait y avoir baisse de la consommation des produits et services qui isolent et mettent à distance et montée de ceux qui relient et rapprochent. " . Source : Societes Revue des Sciences Humaines et Sociales, De Boeck Université, Éditeur Ruptures de la modernité N° 50, 4/1995 |